Ambivalence lacustre

« Hommage à M. de Lamartine » de Charles Lassailly
Hommage à M. de Lamartine

« Un Nom » par Alphonse de Lamartine
Un Nom
[singlepic id=116 w=320 h=240 float=right]Il est un nom caché dans l’ombre de mon âme,
Que j’y lis nuit et jour et qu’aucun oeil n’y voit,
Comme un anneau perdu que la main d’une femme
Dans l’abîme des mers laissa glisser du doigt.
Dans l’arche de mon coeur, qui pour lui seul s’entrouvre,
Il dort enseveli sous une clef d’airain ;
De mystère et de peur mon amour le recouvre,
Comme après une fête on referme un écrin.
Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse,
Mais, tel qu’un talisman formé d’un mot secret,
Quand seul avec l’écho ma bouche le prononce,
Ma nuit s’ouvre, et dans l’âme un être m’apparaît.
En jour éblouissant l’ombre se transfigure ;
Des rayons, échappés par les fentes des cieux,
Colorent de pudeur une blanche figure
Sur qui l’ange ébloui n’ose lever les yeux.
C’est une vierge enfant, et qui grandit encore ;
Il pleut sur ce matin des beautés et des Jours ;
De pensée en pensée on voit son âme éclore,
Comme son corps charmant de contours en contours.
Un éblouissement de jeunesse et de grâce
Fascine le regard où son charme est resté.
Quand elle fait un pas, on dirait que l’espace
S’éclaire et s’agrandit pour tant de majesté. Continuer la lecture de « « Un Nom » par Alphonse de Lamartine »
« Pourquoi mon âme est-elle triste ? » par Alphonse de Lamartine
Pourquoi mon âme est-elle triste ?
Pourquoi gémis-tu sans cesse,
O mon âme ? réponds-moi !
D’où vient ce poids de tristesse
Qui pèse aujourd’hui sur toi ?
Au tombeau qui nous dévore,
Pleurant, tu n’as pas encore
Conduit tes derniers amis !
L’astre serein de ta vie
S’élève encore; et l’envie
Cherche pourquoi tu gémis !
La terre encore a des plages,
Le ciel encore a des jours,
La gloire encor des orages,
Le coeur encor des amours ;
La nature offre à tes veilles
Des mystères, des merveilles,
Qu’aucun oeil n’a profané,
Et flétrissant tout d’avance
Dans les champs de l’espérance
Ta main n’a pas tout glané !
[singlepic id=116 w=320 h=240 mode=web20 float=center]
Une demeure étroite, un navire, une tente
Que son Dieu dans l’espace a dressé pour un jour,
Et dont le vent du ciel en trois pas fait le tour !
Des plaines, des vallons, des mers et des collines
Où tout sort de la poudre et retourne en ruines,
Et dont la masse à peine est à l’immensité
Ce que l’heure qui sonne est à l’éternité!
Fange en palais pétrie, hélas ! mais toujours fange,
Où tout est monotone et cependant tout change !
Et qu’est-ce que la vie ? Un réveil d’un moment !
De naître et de mourir un court étonnement !
Un mot qu’avec mépris l’Être éternel prononce !
Labyrinthe sans clef ! question sans réponse,
Songe qui s’évapore, étincelle qui fuit !
Éclair qui sort de l’ombre et rentre dans la nuit,
Minute que le temps prête et retire à l’homme,
Chose qui ne vaut pas le mot dont on la nomme ! Continuer la lecture de « « Pourquoi mon âme est-elle triste ? » par Alphonse de Lamartine »
« Pourquoi mon âme est-elle triste ? » d'Alphonse de Lamartine
Pourquoi mon âme est-elle triste ?
[singlepic id=15 w=320 h=240 mode=web20 float=right]Pourquoi gémis-tu sans cesse,
O mon âme ? réponds-moi !
D’où vient ce poids de tristesse
Qui pèse aujourd’hui sur toi ?
Au tombeau qui nous dévore,
Pleurant, tu n’as pas encore
Conduit tes derniers amis !
L’astre serein de ta vie
S’élève encore; et l’envie
Cherche pourquoi tu gémis !
La terre encore a des plages,
Le ciel encore a des jours,
La gloire encor des orages,
Le cœur encor des amours ;
La nature offre à tes veilles
Des mystères, des merveilles,
Qu’aucun œil n’a profané,
Et flétrissant tout d’avance
Dans les champs de l’espérance
Ta main n’a pas tout glané !
Et qu’est-ce que la terre? Une prison flottante,
Une demeure étroite, un navire, une tente
Que son Dieu dans l’espace a dressé pour un jour,
Et dont le vent du ciel en trois pas fait le tour !
Des plaines, des vallons, des mers et des collines
Où tout sort de la poudre et retourne en ruines,
Et dont la masse à peine est à l’immensité
Ce que l’heure qui sonne est à l’éternité!
Fange en palais pétrie, hélas ! mais toujours fange,
Où tout est monotone et cependant tout change !
Et qu’est-ce que la vie ? Un réveil d’un moment !
De naître et de mourir un court étonnement !
Un mot qu’avec mépris l’Être éternel prononce !
Labyrinthe sans clef ! question sans réponse,
Songe qui s’évapore, étincelle qui fuit !
Eclair qui sort de l’ombre et rentre dans la nuit,
Minute que le temps prête et retire à l’homme,
Chose qui ne vaut pas le mot dont on la nomme !
Et qu’est-ce que la gloire ? Un vain son répété,
Une dérision de notre vanité !
Un nom qui retentit sur des lèvres mortelles,
Vain, trompeur, inconstant, périssable comme elles,
Et qui, tantôt croissant et tantôt affaibli,
Passe de bouche en bouche à l’éternel oubli !
Nectar empoisonné dont notre orgueil s’enivre,
Qui fait mourir deux fois ce qui veut toujours vivre !
Et qu’est-ce que l’amour ? Ah ! prêt à le nommer
Ma bouche en le niant craindrait de blasphémer !
Lui seul est au-dessus de tout mot qui l’exprime !
Éclairbrillant et pur du feu qui nous anime,
Étincelle ravie au grand foyer des cieux !
Char de feu qui, vivants, nous porte au rang des dieux !
Rayon! foudre des sens ! inextinguible flamme
Qui fond deux cœurs mortels et n’en fait plus qu’une âme !
Il est !… il serait tout, s’il ne devait finir !
Si le cœur d’un mortel le pouvait contenir,
Ou si, semblable au feu dont Dieu fit son emblème,
Sa flamme en s’exhalant ne l’étouffait lui-même !
Mais, quand ces biens que l’homme envie
Déborderaient dans un seul cœur,
La mort seule au bout de la vie
Fait un supplice du bonheur !
Le flot du temps qui nous entraîne
N’attend pas que la joie humaine
Fleurisse longtemps sur son cours !
Race éphémère et fugitive,
Que peux-tu semer sur la rive
De ce torrent qui fuit toujours ?
Il fuit et ses rives fanées
M’annoncent déjà qu’il est tard !
Il fuit, et mes vertes années
Disparaissent de mon regard ;
Chaque projet, chaque espérance
Ressemble à ce liège qu’on lance
Sur la trace des matelots,
Qui ne s’éloigne et ne surnage
Que pour mesurer le sillage
Du navire qui fend les flots !
Où suis-je? Est-ce moi ? Je m’éveille
D’un songe qui n’est pas fini !
Tout était promesse et merveille
Dans un avenir infini !
J’étais jeune !… Hélas ! mes années
Sur ma tête tombent fanées
Et ne refleuriront jamais !
Mon cœur était plein !… il est vide !
Mon sein fécond … il est aride !
J’aimais !.., où sont ceux que j’aimais ? Continuer la lecture de « « Pourquoi mon âme est-elle triste ? » d'Alphonse de Lamartine »
« A El*** » d'Alphonse de Lamartine
À El***
Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie,
Tes deux mains dans la mienne, assis à tes côtés,
J’abandonne mon âme aux molles voluptés
Et je laisse couler les heures que j’oublie ;
Lorsqu’au fond des forêts je t’entraîne avec moi,
Lorsque tes doux soupirs charment seuls mon oreille,
Ou que, te répétant les serments de la veille,
Je te jure à mon tour de n’adorer que toi ;
Lorsqu’enfin, plus heureux, ton front charmant repose
Sur mon genou tremblant qui lui sert de soutien,
Et que mes doux regards sont suspendus au tien
Comme l’abeille avide aux feuilles de la rose ;
Souvent alors, souvent, dans le fond de mon cœur
Pénètre comme un trait une vague terreur ;
Tu me vois tressaillir; je pâlis, je frissonne,
Et troublé tout à coup dans le sein du bonheur,
Je sens couler des pleurs dont mon âme s’étonne.
Tu me presses soudain dans tes bras caressants,
Tu m’interroges, tu t’alarmes,
Et je vois de tes yeux s’échapper quelques larme. »
Ne m’interroge plus, à moitié de moi-même !
Enlacé dans tes bras, quand tu me dis : Je t’aime ;
Quand mes yeux enivrés se soulèvent vers toi,
Nul mortel sous les cieux n’est plus heureux que moi ?
Mais jusque dans le sein des heures fortunées
Je ne sais quelle voix que j’entends retentir
Me poursuit, et vient m’avertir
Que le bonheur s’enfuit sur l’aile des années,
Et que de nos amours le flambeau doit mourir !
D’un vol épouvanté, dans le sombre avenir
Mon âme avec effroi se plonge,
Et je me dis : Ce n’est qu’un songe
Que le bonheur qui doit finir.
Alphonse de Lamartine
« Nouvelles méditations poétiques »