Dimanches (VI)
J’aurai passé ma vie à faillir m’embarquer
Dans de bien funestes histoires,
Pour l’amour de mon cœur de Gloire !….
– Oh ! qu’ils sont chers les trains manqués
Où j’ai passé ma vie à faillir m’embarquer !….
Mon cœur est vieux d’un tas de lettres déchirées,
Ô Répertoire en un cercueil
Dont la Poste porte le deuil !….
– Oh ! ces veilles d’échauffourées
Où mon cœur s’entraînait par lettres déchirées !….
Tout n’est pas dit encor, et mon sort est bien vert.
Ô Poste, automatique Poste,
Ô yeux passants fous d’holocaustes,
Oh ! qu’ils sont là, vos airs ouverts !….
Oh ! comme vous guettez mon destin encor vert !
(Une, pourtant, je me rappelle,
Aux yeux grandioses
Comme des roses,
Et puis si belle !….
Sans nulle pose.
Une voix me criait : » C’est elle ! Je le sens ;
» Et puis, elle te trouve si intéressant ! «
– Ah ! que n’ai-je prêté l’oreille à ses accents !…)
Jules Laforgue
