Surgi de la croupe et du bond

D’une verrerie éphémère
Sans fleurir la veillée amère
Le col ignoré s’interrompt.
Je crois bien que deux bouches n’ont
Bu, ni son amant ni ma mère,
Jamais à la même Chimère,
Moi, sylphe de ce froid plafond !
Le pur vase d’aucun breuvage
Que l’inexhaustible veuvage
Agonise mais ne consent,
Naïf baiser des plus funèbres !
A rien expirer annonçant
Une rose dans les ténèbres.
Stéphane Mallarmé
« Poésies »
Le lecteur murmure : Allons, bon,
Écris-tu pour les éphémères,
Mallarmé aux rimes amères ?
On te lit, puis on s’interrompt.
On dirait que tes phrases n’ont
Que des tropes qui s’agglomèrent
Ainsi que dansent les chimères
Dans mon bureau, près du plafond.
Serais-tu rempli d’un breuvage
Qui rend la plume un peu sauvage ?
Tu en as le droit, j’y consens ;
Boire n’est pas toujours funèbre,
Le vin n’est pas toujours du sang,
On peut rire dans les ténèbres.